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« La presse est le premier et le plus important des pouvoirs »

Auteur et metteur en scène de la pièce Les Témoins, dans laquelle des journalistes se déchirent suite à l’élection d’un président d’extrême-droite, entretien avec Yann Reuzeau qui livre sa vision du journalisme, de la politique et de l’engagement.

Yann Reuzeau est l’auteur de la pièce Les Témoins, jouée au théâtre de la Manufacture des Abbesses jusqu’au 22 mars. Crédits : Yann Rezeau.

 

Comment vous est venue l’idée de la pièce ?

La pièce vient de mon intérêt pour le métier de journaliste et de sa nécessité dans l’équilibre d’une démocratie. On dit souvent que le journalisme est le quatrième pouvoir, mais ça me paraît un peu faux : c’est le premier et le plus important des pouvoirs. S’il n’y a pas de presse libre dans un pays, on n’est déjà plus tellement en démocratie. J’avais envie d’explorer ce thème. J’avais déjà réalisé une pièce politique (La chute d’une nation, Ndlr) : comment est-ce que les hommes de bonne volonté parviennent à faire barrage à l’extrême-droite ? Les Témoins, c’est dans le prolongement : la pièce parle de fascisme, d’extrême-droite, de démocratie, du point de vue des journalistes…

 

Est-ce une pièce engagée ?

Non. Quand les artistes parlent de leur engagement, souvent ils défendent une cause. C’est une pièce sur la politique, sur le monde dans lequel on vit, mais je ne défends pas une cause. Dans la pièce, j’essaie de ne pas faire de Mérindien (le président d’extrême-droite élu, Ndlr) un méchant. C’est un mec qui a une histoire, une volonté, des convictions, fascistes certes, mais un vrai projet politique. J’essaie de ne pas trop le diaboliser. Il se diabolise tout seul. J’essaie de le rendre réel. Il faut faire du militantisme quand on est militant, de la politique quand on est politique et de l’art quand on est artiste. Mon métier c’est de poser des questions, pas de donner mon point de vue. Il n’a d’ailleurs pas plus de valeur que celui des spectateurs. Mon but est de créer de la réalité pour que les gens puissent y réfléchir. Après chacun doit se faire son propre point de vue. J’essaie d’être honnête, de ne pas manipuler le sens. J’ai parfois l’impression de ne pas être juste. Mais je ne veux pas dire ce qui est bien ou mal.

 

Un des thèmes de la pièce est le journalisme d’opinion : comment une rédaction réagit-elle face un pouvoir nouvellement élu, en l’occurrence d’extrême droite…

Oui. C’est facile d’être la rédaction des Témoins sous Hollande ou Sarkozy mais avec un Mérindien c’est plus compliqué. C’est ce que dit l’un des journalistes au début de la pièce : il faut arrêter de faire du journalisme complaisant et faire du journalisme de combat. Toute la pièce tourne autour de cette question de l’engagement des journalistes. Et chaque personnage a son point de vue. Chacun choisit son camp, mais pas au même moment. Et là encore c’est lié à la vision de la démocratie : à quelle moment une démocratie n’est plus une démocratie ? Au moment où Mérindien gagne l’élection ? Au moment où les journalistes dorment en prison ? Ou lorsque Les Témoins ferment ? A leur place, je ne saurais pas quoi faire !

 

La pièce interroge aussi le rapport entre le politique et le journalisme. Hubert Beuve-Mery, le fondateur du Monde, recommandait « le contact et la distance »…

C’est un sujet compliqué. Un personnage comme Anna (journaliste politique dans la pièce, Ndlr) est une très bonne journaliste parce qu’elle est très proche des politiques. Le problème c’est qu’elle devient trop proche, notamment de l’Elysée. Il y a un débat au sein de la rédaction. Et la pièce ne tranche pas.

 

La pièce se joue jusqu’au 22 mars puis prolongée d’octobre à décembre 2020, au théâtre de la Manufacture des Abbesses, 7 rue Véron, 75018, Paris.

 

 

 

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