A la veille de la journée internationale du droit des femmes, des milliers de femmes ont marché, de la place des Fêtes à République. Beaucoup de courants féministes se sont réunis, des écologistes aux antifascistes en passant par des collectifs comme NousToutes. Une convergence des luttes sans précédent.

« So-so-solidarité avec les femmes du monde entier. » Au départ du cortège, place des Fêtes, à Paris, aux alentours de 20h, le message est clair. Ce samedi 7 mars, plus de 2000 femmes sont dans la rue, ensemble. Elles comptent bien chanter à l’unisson pour faire valoir leurs droits et dénoncer les violences qu’elles subissent au quotidien. Des centaines de pancartes se dressent au milieu de la marée de poings levés. Les revendications sont inscrites sur les panneaux et les banderoles, fièrement brandis. « Violence sexiste, riposte féministe », « féministes antifa [antifasciste (ndla)]» , « ni les femmes ni la terre ne sont des territoires de conquêtes », « contre toutes les violences hétéro-cis-sexistes et racistes ». Autant de slogans que de combats pour lesquels les femmes luttent chaque jour.
Une convergence des luttes
Les chants ne trompent pas. Les différents cortèges se distinguent le long de la marche, mais les slogans clamés incluent différentes luttes : « Assez, assez de cette société qui ne respecte pas les trans, les gouines, les racisées/les femmes voilées. » Si au quotidien, aucune de ces femmes ne vit la même discrimination, elles se montrent solidaires les unes envers les autres. « C’est le réveil des tensions, le réveil de la solidarité ! On va gagner ensemble ! », soutient à haute voix une femme à ses voisines de manifestation.
Chacune pour leur combat, elles prônent la liberté du corps de la femme et d’en disposer comme elles l’entendent. En tête de cortège, les « chianteuses » : ces femmes qui chantent leurs revendications sur des mélodies que tout le monde connaît. Sur l’air de Ma philosophie d’Amel Bent, elles répètent à quiconque voudraient leur faire subir une injonction : « En burkini en minijupe on est des sœurs, qu’on soit unies, qu’on soit toutes ensemble pour leur tenir tête, les affronter le poing levé. »

Brandies au-dessus de la foule, les pancartes indiquent des messages forts. Les sujets les plus tabous sont abordés et défendus. Le port du voile parce que « le voile ne tue pas, le patriarcat oui », la prostitution parce que « enfermez les violeurs, pas nos clients », la masturbation féminine parce que « ne me touche pas je m’en charge ». Toutes ces femmes sont ici ce soir pour reprendre possession de leur corps et éradiquer le mythe de la femme objet. Un seul discours : les femmes sont fortes. Elles exigent que la société respecte leurs libertés de choix et arrête de ne voir leur corps qu’à travers le regard de l’homme. Un regard qui n’était ce soir pas le bienvenu : la marche est en non-mixité choisie.
Toutes pour la non-mixité

« Marche nocturne SANS MEC CIS. » Voici ce qu’on peut lire sur le groupe Facebook de l’événement, organisé par Association Hystérique. Pas une phrase pour expliquer cette simple consigne qui apparaît comme une évidence pour beaucoup de femmes dans le cortège. Françoise fait partie du collectif La marche mondiale des femmes. Au sein du groupe de Drôme-Ardèche, elle est venue de Valence. Toutes ses compagnes tapent sur leurs tambours, pour donner du rythme à leur colère. Pour Françoise : « C’est le combat des femmes, quand on se retrouve le soir comme ça, on ne peut pas faire sans la non-mixité. » Selon l’Institut Paris Région, 65% des franciliennes se sentent en insécurité. Ce sentiment se renforçant dans des lieux moins fréquentés, donc lorsque le soleil s’est couché.
Pour d’autres femmes présentes ce soir, cette non-mixité fait d’abord réfléchir. Exclure les hommes cis de cette lutte n’est-il pas sexiste ? Leur exclusion ne va-t-elle pas à l’encontre du message que la marche veut véhiculer ? Place des Fêtes, au départ de la manifestation, un foulard violet – couleur du collectif NousToutes – au poignet, Mina et Laurie en discutent. Les deux étudiantes se sont posés ces questions la première fois qu’elles ont entendu parler de l’événement. Après réflexion, leur constat est simple : « On a besoin de la non-mixité pour se réapproprier la rue. » Mina et Laurie énumèrent les raisons de cette non-mixité. Les regards subis dans ces espaces publics le soir. La peur de rentrer chez soi seule. La peur de prendre le métro… Les organisatrices voulaient faire de la marche un safe space [endroit sûr (ndla)]. Que les femmes se sentent puissantes, entre elles, la nuit, n’est pas une option ce soir. Laurie conclut : « On n’a plus peur ensemble ».