Image default
Politique Société

17e arrondissement : des détritus, des rats, et de la politique

Geoffroy Boulard ne plaisante pas avec la propreté. Le maire sortant du 17e arrondissement, candidat LR à sa réélection, s’est mis en campagne contre les rats et les ordures. L’occasion pour cet élu de se lancer dans une bataille de communication contre l’Hôtel de Ville. La propreté reste en effet du ressort de la mairie de Paris et non de l’arrondissement.

Regard sévère mais déterminé, costume bleu marine et cravate assortie, Geoffroy Boulard semble poser pour un portrait de campagne. Seul bémol : ces quatre rats morts qu’il tient par la queue. Avec cette photo choc publiée en juin 2018 dans Le Parisien, le maire LR du 17e arrondissement a réussi son coup médiatique. L’élu est devenu le chevalier blanc de la propreté, combattant autant les rats que les dépôts sauvages d’ordures.

Article du Parisien sur Geoffroy Boulard "signalerunrat.paris"
En juin 2018, au moment du lancement de sa plateforme de signalement de rats, Geoffroy Boulard a fait l’objet d’un article dans Le Parisien. La photo de couverture a été très relayée sur les réseaux sociaux.

Au cœur de la stratégie du maire, deux applications lancées en 2018 et 2019 : signalerunrat.paris, et detritous.paris. Les citoyens sont encouragés à signaler en ligne les rats ou les déchets aperçus dans le 17e arrondissement. Le maire, candidat à sa propre réélection, a également mis en place une « brigade » d’éradication des rats composée de quelques bénévoles. Sur signalement des riverains, ces volontaires viennent éliminer les rongeurs à l’aide de glace carbonique. Il s’agit de gaz carbonique sous forme solide, qui une fois placé dans le terrier des rats se réchauffe et redevient gazeux. Les rats sont ainsi éliminés par asphyxie. Geoffroy Boulard s’est rendu à New York en septembre 2018 pour en apprendre plus sur cette méthode, avant de l’importer dans son arrondissement.

Les rats, un fléau parisien

L’insalubrité est un problème qui touche Paris dans son ensemble. Impossible de connaître le nombre exact de rats dans la capitale, mais les experts estiment qu’ils seraient près de 4 millions. Un phénomène qui donne du fil à retordre à l’Hôtel de Ville, en charge de la propreté dans tous les arrondissements. Anne Hidalgo, maire de Paris (PS), a ainsi lancé un plan de dératisation à la fin de l’année 2016. Poubelles antirats, pièges, interventions de dératisation, sanctions pour les personnes abandonnant leurs déchets, les mesures sont multiples. Ce plan a coûté 1,5 million d’euros à la mairie de Paris. D’autre part, la Ville de Paris ramasse 3000 tonnes de déchets par jour. Elle s’est aussi dotée d’équipes « Urgence propreté » envoyées en mission de nettoyage durant la journée.

À écouter ses habitants, le 17e arrondissement ne serait pas particulièrement concerné par les problèmes de rats et d’ordures. Saïd, commerçant du marché de Ternes, s’en amuse : « Les rats, la propreté, ça concerne tout Paris et l’Île-de-France ! Pas juste le 17e arrondissement ! ». Eugenia, qui habite le quartier, confirme : « Avant, j’habitais dans le 20e arrondissement, où la situation était bien pire. La propreté n’est pas un problème ici plus qu’ailleurs. »

 

Après avoir mis de la glace carbonique dans les terriers des rats, la brigade citoyenne place un petit panneau pour informer les riverains de l’intervention en cours. Geoffroy Boulard y signale son soutien.
Une bataille de communication

Geoffroy Boulard n’est pourtant pas satisfait de la situation. Sur son site de campagne, le candidat rend la maire de Paris responsable de la saleté des rues et de la présence des rats. En effet, la propreté ne relève pas des compétences du maire d’arrondissement. Cette prérogative dépend uniquement de la mairie centrale. Plus qu’une guerre des rats, c’est donc une bataille de communication contre la mairie de Paris que Geoffroy Boulard a lancée.

Les deux plateformes que le maire du 17e arrondissement a créées n’ont pour but que de transmettre les signalements à l’Hôtel de Ville. La plateforme detritous.paris fait d’ailleurs double emploi avec l’application DansMaRue, créée par Anne Hidalgo sept mois auparavant, en octobre 2018. Les citoyens peuvent y signaler toutes les incivilités, dont les déchets abandonnés. Karim Ziady, numéro 2 sur la liste d’Anne Hidalgo pour le 17e arrondissement, est dubitatif face aux critiques de Geoffroy Boulard. « C’est juste de la communication, ça lui permet de renvoyer la balle à Hidalgo et de l’accuser d’inaction », juge le jeune candidat.

Sur les deux plateformes signalerunrat.paris et detritous.paris, Geoffroy Boulard se met en scène. Son avatar accueille le visiteur, et lui rappelle la responsabilité de la mairie de Paris en matière de propreté.
La propreté, un enjeu politique

Ces efforts de communication prennent tout leur sens dans la campagne actuelle. La propreté reste en effet le premier sujet de préoccupation des Parisiens pour ces élections, selon un sondage Harris Interactive. Anne Hidalgo veut que la mairie centrale garde ses prérogatives en matière de propreté. Elle considère que le système actuel est suffisamment efficace. La maire promet toutefois de doubler le budget actuel : un milliard d’euros par an seraient consacrés à la propreté et l’embellissement de la ville.

De leur côté, de nombreux candidats à la mairie de Paris plaident en faveur de la décentralisation de tout ou partie de la compétence propreté aux mains de l’arrondissement. Rachida Dati (LR), Cédric Villani (indépendant), ou encore Agnès Buzyn (LRM) la mentionnent dans leurs programmes. Pour ces candidats, les maires d’arrondissement pourraient réagir plus rapidement aux signalements. Ils sauraient mieux identifier les endroits régulièrement signalés, et agiraient en amont afin d’éviter les dépôts d’ordures et l’arrivée des rats. Si un de ces candidats pro-décentralisation arrivait à la mairie de Paris, Geoffroy Boulard pourrait donc enfin s’assurer de l’élimination des rats et des détritus de son arrondissement. À condition bien sûr qu’il soit lui-même réélu.

Articles connexes

Marche de nuit : la convergence des luttes féministes

mmichel

L’hôpital en état de mort cérébrale : un étudiant-infirmier témoigne

mthom

Un repas fait maison pour soutenir le lien social

Tiphaine NIEDERLAENDER