
Zak l’artiste est, à 35 ans, l’un des coiffeurs les plus en vue de Paris. Adoubé par les plus célèbres youtubeurs et validé par le monde du rap, de la télé et de l’humour, il coiffe dans un salon de 13m2. Un succès inespéré pour le barbier tunisien, arrivé en France sans un sou il y a près d’une dizaine d’années.
« Il y en a quatre milliards des bons coiffeurs comme moi, sourit Zak. Mais les gens que je coiffe sont des artistes. Et les artistes sont sensibles, ils perçoivent tout. C’est très difficile de rentrer dans leur cœur. » A deux pas d’Avron se trouve le minuscule salon de Zak l’artiste où Paris s’entasse. Où le bruit des tondeuses et le claquement des ciseaux ponctuent le rap diffusé en boucle. Un barber shop à l’américaine en somme, très rétro, avec fauteuils en cuir et miroirs ovales. Sur le mur est accroché un vinyle du rappeur et youtubeur Mister V. Celui qui a propulsé Zak vers la lumière.
C’est en 2016 qu’il pousse pour la première fois la porte du salon de Zak l’artiste. Pendant près de six mois, Zak coupe les cheveux de Mister V sans soupçonner que le youtubeur n’est pas un anonyme. Jusqu’au soir où le barbier tombe sur lui en regardant « Vendredi tout est permis ». « J’étais avec ma femme. Et je me dis ‘merde, je le connais lui’. Et d’un coup je percute : ‘Je suis son coiffeur, il vient tout le temps dans mon salon !’ Ma femme ne me croyait pas. » Quelques jours plus tard, Mister V retourne à Avron, publie une photo de lui et Zak sur les réseaux sociaux, et le salon voit son affluence tripler.
D’une publication Instagram aux studios de Skyrock
Depuis, Zak collectionne les célébrités : les youtubeurs Norman et Jhon Rachid, les rappeurs Gims et Lartiste, ou encore les humoristes Issa Doumbia, Jamel Debbouze et Farid Chameck pour ne citer qu’eux. « C’est grâce à Norman que j’ai dépassé les 1000 followers sur Instagram », se rappelle Zak l’artiste. Aujourd’hui il en a 43 100. « Il avait posté une photo dans le salon, et il m’a identifié dessus. Elle est encore sur son profil, j’ai vérifié la semaine dernière. » Et effectivement, le 27 avril 2017, Norman avait publié une photo qui a fait près de 156 000 likes. Les yeux du barbier brillent à l’évocation de ce souvenir.
Le téléphone de Zak l’artiste n’en finit pas de vibrer. C’est Arthur, l’animateur, qui lui envoie un message. « C’est un amour, Arthur. Il me respecte alors que je suis un bledard. La première fois que je l’ai vu, c’était au restaurant. Il m’a invité à m’asseoir à côté de lui et a partagé son assiette avec moi. »
C’est devenu une habitude que des célébrités l’appellent. En novembre, Zak se retrouve sur le devant de la scène en direct sur Skyrock. « Alkpote m’a appelé un samedi, et il me dit de venir le coiffer le mardi, car il est dans l’émission Planète Rap toute la semaine. C’était impressionnant. Au début le studio était vide, puis je me suis retrouvé à couper devant quatre millions de personnes » exagère-t-il. « Il n’y avait pas de place, je ne pouvais pas bouger. C’était très difficile de coiffer », se marre Zak l’artiste. « J’étais choqué quand ils m’ont dit que j’allais coiffer Fred en pleine émission, mais il te met très à l’aise, il est très gentil. Hamdoullah je n’ai que des gens bien autour de moi ».
Mais pour Zak, la consécration reste le jour où il a coiffé son idole Jamel Debbouze. « C’était la première fois que ma main tremblait. Ma femme n’en revenait pas, elle ne savait pas ce qui m’arrivait. J’étais fier, mais je transpirais, je tremblais. », raconte Zak, des étoiles dans les yeux. « Toucher la tête de Jamel c’est un honneur » lâche-t-il dans un souffle. Avant de confier : « J’avais déjà croisé Jamel en 2010. Il était en famille et il pleuvait, donc on n’avait pas pu discuter. Quand je le lui ai raconté, il m’a dit être fier de mon parcours. » Aujourd’hui, s’il rêve de coiffer quelqu’un en particulier, c’est DJ Khaled. « Il a l’air aussi fou que moi. J’adore sa coupe. J’adore sa barbe. »
Mais le succès reste une médaille qui a son revers. Zak se défend d’être naïf, il a compris que certains tentent de profiter de lui. « Tout le monde m’aide, du coup j’aide tout le monde. Mais parfois les gens sont ingrats. Tu leur donnes un doigt et ils prennent le bras. Un exemple : quelqu’un va venir me demander si je ne peux pas lui avoir un billet pour aller au Parc des Princes. Pas de problème. Une fois fait, il me demande s’il ne peut pas aller dans les vestiaires. Aucun souci, Zak va faire ça pour toi. Ensuite, il veut savoir si c’est possible de lui arranger une photo avec Mbappé. Je le fais de bon cœur. Mais après, c’est limite s’il ne veut pas que je lui trouve une place dans l’équipe. Et comme ce n’est pas possible, tout de suite on me dit « Zak t’es un enc***. » résume-t-il désabusé.
Un départ forcé vers la France

Zak l’artiste n’a pas toujours connu les strass et les paillettes. Loin de là. Quand la question de son passé est abordée, son regard devient vague. Il dévisse sa casquette de sa tête, puis la remet. Il répond sans regarder. « Je viens de Sfax en Tunisie. Là-bas ce sont tous des courageux, tous des travailleurs. Mon père gagnait moins de quatre-vingts balles par mois, se souvient-il, s’efforçant de garder contenance. Il cumulait trois emplois pour remplir le frigo. C’est le meilleur papa du monde. Il m’a bien élevé et je n’ai jamais manqué de rien. Puis je suis parti. Je regrette de ne pas avoir grandi avec ma famille. » L’homme se pince le nez, les yeux qui brillent, des sanglots dans la voix. « Je repense à moi quand j’étais au bled. Ma mère me faisait à manger. Ça me manque. »
C’est à contre-cœur que l’homme a du quitter les siens. « Je suis venu en France pour sauver ma vie. Car il fallait que je me soigne ». Zak l’artiste est atteint de la maladie d’Addison et ses glandes surrénales sont défaillantes. Le traitement coûte cher. « A mon arrivée en France, je n’avais nulle part où dormir. J’ai dormi trois jours dans des toilettes publiques. Mais un jour, cinq SDF m’ont choppé et m’ont tabassé. Ils m’ont massacré. Parce qu’ils voulaient les toilettes. Ils ne m’ont laissé aucune chance. »
Si évoquer ces souvenirs lui est pénible, Zak l’artiste savoure d’autant plus ce qui lui arrive. « En 2010, je dors dans la rue et aujourd’hui, je coiffe des stars. C’est une fierté pour moi, et je n’en ai rien à foutre de ce que les gens pensent ». Si tout n’a pas été facile, il confie avoir eu une chance extraordinaire. « Dieu merci, je ne reçois que de l’amour. Les gens sont gentils avec moi, alors en retour, je rends la pareille. Je suis persuadé que ça finit toujours par payer. Par exemple, je n’ai jamais eu de problème avec personne. Même avec la police. Quand il y a un contrôle d’identité, je lève les mains, je donne mes papiers, j’obtempère. Et du coup ils ne m’embêtent pas. C’est ça Zak. C’est un gentil ».
« Des salons Zak l’artiste partout en France »
Si, jeune, Zak l’artiste n’a pas rêvé de cette vie de coiffeur, tous ses objectifs de vie tournent désormais autour de son métier. « Je coiffe depuis vingt-quatre ans. J’en ai 35 aujourd’hui. Je n’ai pas toujours voulu coiffer. Mais j’ai appris à aimer. Quand j’ai mis le nez dedans, j’ai voulu faire de l’art. Un jour, après une coupe, mon ami Younes m’a dit que j’étais un artiste : ce jour-là je suis passé de Zak à Zak l’artiste. »
Et désormais, le barbier voit les choses en grand. « Mon projet, c’est qu’il y ait des salons « Zak l’artiste » partout en France. Comme aujourd’hui tu vois des Jean-Louis David. » Pour cela, Zak demeure très exigeant avec ses employés. « Il faut minimum 10-15 ans d’expérience pour travailler avec moi. Et c’est difficile de trouver de bons coiffeurs. » Tous les tests de potentielles embauches se font sur sa tête. « Quand tu testes, tu testes sur le patron, donc si tu rates, tu te fais niquer. Une fois un employé a fait une crise. Il était trop stressé à l’idée de me coiffer. »
Les opportunités pleuvent, chaque jour lui réserve une nouvelle surprise. « A n’importe quel moment on peut m’appeler pour aller je ne sais où. La dernière fois, je me suis retrouvé dans un studio avec Vitaa, Omar Sy et Malik Bentala. Pareil, un jour, Maskey m’a demandé d’aller le couper chez Sony », se gausse Zak l’artiste. « C’est donc obligatoire pour moi d’être bien habillé. Tout mon argent part dans les habits. J’adore les chaussures, j’adore les baskets, j’adore les casquettes. » résume-t-il. Ça lui colle à la peau, c’est évident.