Les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles, dans le XVIIe arrondissement de Paris, sont en grève depuis quatre mois. Elles dénoncent leurs conditions de travail, leurs horaires intolérables et le manque de reconnaissance de leurs employeurs. Et elles entendent bien poursuivre « le combat ».
Et soudain, ils sortent. Une douzaine d’employés du Novotel des Halles, dans le 1erarrondissement de Paris constatent avec surprise un rassemblement sur le parvis de leur hôtel. Ils esquissent des sourires de soutien et échangent de timides paroles avec la vingtaine de femmes de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles, situé dans le XVIIe arrondissement. Elles sont venues tenir un piquet de grève devant cet établissement des Halles appartenant au même groupe que le leur : Accor.
Le ciel est plombé de gris et le froid saisissant en ce jeudi de novembre. Une des femmes tape sur un tambour, pour faire un maximum de bruit. Une autre souffle dans un vuvuzela, entourée de ses collègues qui chantent joyeusement. « La dernière fois, devant le Novotel de Bercy, un client nous a jeté une pomme depuis sa fenêtre », confie l’une d’elle entre deux tracts tendus aux passants. C’est leur 135e jour d’une grève débutée le 17 juillet dernier. Plus de quatre mois de protestation pour dénoncer des conditions de travail devenues « trop difficiles ». Des cadences intenables, trois chambres et demie nettoyées par heure, des heures supplémentaires non payées, une fatigue physique et morale devenue accablante. « STN (le sous-traitant) c’est le plus dur, il ne paie pas », juge une jeune femme de chambre. Contactée, la direction de STN n’a pas souhaité communiquer.
« C’est de plus en plus dur »
« Quand on travaille sept heures et qu’on est payé quatre, c’est difficile », regrette l’une d’entre elle. « C’est de plus en plus dur », ajoute Mama Ndiaye, qui travaille depuis dix ans à l’hôtel Ibis Batignolles. Valérie est gouvernante depuis 18 ans. Elle raconte les fins de journées. Elle voit « les filles » descendre des chambres, larmes aux yeux, exténuées de leur journée. « Moi je n’ai pas trop à me plaindre, mais pour les filles, c’est très difficile, reconnaît Valérie. Une fille qui fait 50 lits dans la journée, le soir, elle craque. Elle est en pleure à la fin de la journée. »
« STN ne tient pas compte des conditions de travail réelles, déplore Kandi Tiziri, du syndicat CGT-HPE. « Ce sont des logiciels qui gèrent, comme les tournées à La Poste. Tout est machinisé. » La plupart des femmes de chambres portent un gilet rouge floqué CGT-HPE, la branche hôtelière de la centrale cégétiste. Le syndicat a mis en place une caisse de grève, qui permet aux femmes de chambre de toucher 70 à 80% de leurs salaires. « On survit par la caisse de grève », admet Valérie.
Le 17 octobre, une décision du Tribunal de grande instance de Paris, suite à une plainte de la direction de l’hôtel, a restreint les conditions de la grève. Notamment les « nuisances sonores », excédant 50 décibels. « Une grève ça donne quoi ? Du bruit ! », répond ironiquement l’une d’elle. Depuis, les 23 femmes de chambre tiennent des piquets de grève devant les hôtels du groupe Accor à travers la capitale. Un moyen de continuer la contestation et d’agréger les soutiens auprès des salariés des hôtels du groupe.
« Nous sommes en colère »
Les négociations se poursuivent, mais la direction avance à petit pas. Une pointeuse a été obtenue par les grévistes, qui permet désormais de mieux comptabiliser leurs heures. « On avait demandé une prime-panier de 7,24 euros. La direction nous a donné un peu plus de trois euros. C’est mieux que rien », explique une gréviste.
Un « combat » que les 23 femmes de chambre entendent poursuivre coûte que coûte. « On ne va pas aller travailler tête basse », prévient Valérie. Une question de dignité et de reconnaissance, que toutes évoquent. La question de la reconnaissance de leur qualification, notamment pour les plus anciennes, est une des principales revendications. « Mais je suis confiante, je suis sûre qu’on va gagner gain de cause. »