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Le Garage numérique, à la pointe de la solidarité

Au cœur des Amandiers, dans le 20ème arrondissement de Paris, le Garage numérique promeut l’inclusion numérique dans le quartier. Lauréat du Google Impact Challenge 2019 – un concours qui récompense l’engagement des acteurs de l’associatif et de l’économie sociale et solidaire – c’est la solidarité qui a toujours construit l’association, née en 2011. 

A quelques minutes du Père Lachaise, sur la place Henri Matisse, souffle comme un air de création. Les carrés du logo du Garage numérique se détachent sur cette place qu’encombrent des travaux municipaux. Après un déménagement de quelques centaines de mètres en octobre, les nouveaux locaux sont à l’image de l’association « à l’arrache », rigole Florian Roger, l’un des instigateurs du projet, travailleur social de formation. À l’intérieur, des grandes feuilles de paperboard recouvrent les murs. Developer, DATA center, IA engineer, opensource… des mots à l’apparence compliquée que se propose de décortiquer l’équipe du Garage numérique. Depuis huit ans, une vingtaine de personnes gravitent autour de ce projet d’inclusion numérique auprès d’habitants. Quel que soit l’outil informatique nécessaire : du formulaire en ligne à la simple recherche internet jusqu’à de complexes algorithmes, le Garage numérique veut vulgariser le numérique. Devant son ordinateur, comme dans un open space, Anis modélise les nouveaux locaux et dessine les métiers de demain. Après avoir fait ses armes au Garage numérique, le jeune homme a étudié dans le bâtiment pour revenir mêler numérique et construction dans la version 2.0 du Garage. Comme lui, celles et ceux qui constituent l’équipe étaient déjà présents aux origines, dès la 20ème Chaise, une association de quartier où ils se sont tous rencontrés.

Dans les tout nouveaux locaux, de nombreux habitants se retrouvent pour pouvoir utiliser un ordinateur, travailler ou simplement discuter. © Le Garage numérique

Lutter contre la fracture numérique et sociale

Dans le café voisin, ouvert depuis une semaine, Florian Roger raconte comment le Garage numérique est né. Du bouche-à-oreille, il s’est construit en « association de quartier », décrit-il. Le constat part de la fracture numérique. « On n’en parle plus aujourd’hui, à tort », insiste celui qui n’a, à l’origine, pas étudié l’informatique. Cela ne concerne pas seulement l’usage mais surtout l’équipement, pas encore un acquis en 2019. « Si tout le monde dans les quartiers possède un ordinateur, ce sont la plupart du temps des PC qui ne sont plus utilisés, explique Florian Roger, il suffit parfois simplement de changer le système d’exploitation [de leur ordinateur], mais tout le monde n’a pas accès à cette information. » Le Garage numérique repose sur l’accompagnement, l’équipement et la formation, il propose une aide fondée sur le don libre. « Les habitants du quartier sont d’une grande générosité », souligne le jeune homme. Rapidement, l’équipe s’est rendu compte qu’il « fallait monter en compétences » pour accompagner la vie numérique des habitants, surtout quand l’apprentissage du numérique est également lié à « [celui] de la langue française. »

Les promesses du Google Impact Challenge

Récemment finaliste du Google Impact Challenge – le GIC – 2019, le Garage numérique se hisse sur le podium des lauréats. À quoi serviront les 150 000 euros remportés à l’issu du « challenge » ? Pour Florian Roger, c’est « un levier », une valorisation qui apparaît comme une motivation supplémentaire et appelle le fragile modèle de l’association à se renouveler. « C’est énorme », insiste le jeune homme dont le t-shirt ‘I’m ok’ dessine une promesse pour l’avenir. Leur projet était, et reste, de développer d’autres Garage numérique dans le nord-est parisien et en banlieue parisienne. Aubervilliers, Saint-Denis ou Montreuil comme horizon, rien n’est encore acté. Pour la petite association, le GIC représente une médiatisation inespérée qui l’a opposée à des concurrents comme, par exemple, le Carillon, lauréat du prix du Public. Mis à part l’aspect financier, être lauréat apporte une aide stratégique de la part du géant du numérique. « Google a une politique de mécénat très particulière, le pro bono », explique Florian Roger. Un mécénat de compétence, construit autour de l’envoi auprès de la structure d’une équipe de spécialistes pour l’aider à développer sa structure et sa manière de fonctionner. « Ça donne envie » quand Google te dit « Think big ! », raconte Florian Roger, et de poursuivre : « Quand on leur a proposé de créer un logiciel pour gérer une centaine de Garage numérique, ils nous ont répondu : « C’est tout ? » »

Un avenir qui fourmille de projets

Associé au Centre national des arts et métiers (CNAM), le Garage numérique développe une spécialité pour former à devenir technicien devops (developer operating system). « Une dynamique alliant gestion administration et développeur que l’on intègre depuis les années 2000 », explique Florian Roger. La formation de 600 heures est gratuite, à destination des jeunes de quartier de 16 à 25 ans, et accorde un niveau de compétences équivalent au baccalauréat au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). L’idée n’est pas seulement de former mais également d’apprendre à transmettre les compétences acquises et ainsi poursuivre le partage de connaissances. Afin de redonner ce que les créateurs du Garage numérique avaient eux-mêmes appris, il leur a fallu « comprendre comment cela fonctionne dans la tête d’un ordinateur, c’est la bonne manière d’approcher le numérique », théorise Florian Roger.

Changer la structure, pas ce qui fait son essence

Pourtant, Florian Roger confie ses doutes sur l’essence même de l’association. Pour survivre, l’association au fonctionnement horizontal doit se saisir des enjeux de son déploiement. Et donc d’un certain modèle entrepreneurial difficile à appréhender pour une association qui s’est formée main dans la main et au contact de ses habitants. Si le Garage numérique s’est construit autour des Amandiers, il peut grandir au-delà du 20ème arrondissement. Aubervilliers ou Montreuil, les lieux ne sont pas choisis au hasard ; des membres du Garage en sont originaires. « Il faut qu’il y ait de la représentation locale pour que le message aux habitants soit clair et que la solidarité initiale se développe ailleurs », entrevoit Florian. C’est un modèle fragile dans la société actuelle, d’où « une transformation nécessaire ». « Lançons-nous » est donc le cri que l’équipe s’est donnée. Sans devenir une entreprise, l’association tend vers un modèle qui nécessiterait de professionnaliser son fonctionnement, « réussir à trouver des valeurs communes [avec les entreprises] pour se comprendre. » conclut Florian Roger.

Quant au futur des projets en eux-mêmes, le jeune homme semble moins inquiet. Google est arrivé à point nommé. Dans les années à venir, le jeune homme espère donc essaimer d’autres Garage numérique en région parisienne voire à l’international. Un projet de Garage numérique au Sénégal en partenariat avec l’opérateur téléphonique Free est déjà sur les rails.

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