Après quatre semaines de grève, les salariés de Nike reprennent le travail. Mobilisés pour faire appliquer le code du travail sur le travail de nuit et contre la politique managériale, jugée trop dure, les grévistes de la boutique des Champs-Élysées ont signé un protocole de fin de conflit, avec quelques victoires à la clé. Néanmoins, leur combat pour la majoration des heures de travail de nuit à 100% se poursuit aux prud’hommes, le 4 décembre prochain.
Vingt-cinq jours durant, les vendeurs et stockistes du magasin Nike des Champs-Élysées ont tenu bon face à leur direction. Le mécontentement des salariés au sujet de leur rémunération et de la politique de management a atteint un niveau tel, qu’ils ont décidé, le 11 octobre, de se mettre en grève. Une grande première pour les « athlètes », petit nom donné aux vendeurs chez Nike. Après plusieurs tentatives d’accord, la direction et la trentaine de grévistes, soutenue par le syndicat « Sud Commerces et services », ont signé, le 2 novembre dernier, un protocole de fin de conflit.
C’est fait : 25 jours de grève @Nike et un protocole de fin de conflit signé ! pic.twitter.com/ghjLiST4E3
— sudcommerce (@sudcommerces) November 1, 2019
« On demande juste que la loi soit respectée »
Les grévistes revendiquent, en priorité, une majoration à 100% du travail en soirée, comme le dispose le code du travail. Dans ce magasin, ouvert jusqu’à 22 heures, les salariés ne bénéficient que de 15% de majoration. Depuis ladite réforme « El Khomri » et donc l’inversion de la hiérarchie des normes, un employeur peut faire passer au dessus de la loi, des dispositions de la convention collective, de l’accord de branche ou d’entreprise, y-compris lorsqu’elles sont défavorables aux salariés. Une nouvelle donne juridique qui ne décourage pas les grévistes à revendiquer l’application du code du travail. « On demande juste que la loi soit respectée », assure Mouloud, un salarié en grève.
A l’issu des quatre semaines de conflit, les salariés ont obtenu « la négociation immédiate d’un accord sur le travail en soirée, qui faisait défaut depuis 2016 ». Le syndicat « Sud Commerces et Services » a déposé « 36 dossiers aux prud’hommes », avant la signature de l’accord. L’ objectif ? Faire reconnaître l’obligation du doublement de paye en soirée et obtenir le versement rétroactif des majorations non perçues, pour les salariés de plus de trois ans d’ancienneté. En attendant l’avancée des discussions, la mobilisation sur le travail en soirée se poursuit le 4 décembre prochain au conseil des Prud’hommes. Une échéance que le syndicat présente comme la « prochaine étape de la mobilisation ».
Ce conflit social intervient alors que le magasin s’apprête à déménager d’ici 2020 dans une boutique flambant neuve. Situé quelques numéros plus loin, l’immeuble qui accueillera la « House of innovation »* a coûté la modique somme 613 millions d’euros. Un investissement colossal laissant supposer que Nike dispose de moyens suffisants pour payer le double les heures travaillées de nuit.
Le management de la marque contesté
L’explosion de la cocotte-minute au « Nike store« , ne se réduit pas à la question des majorations. Parmi la liste de revendication des grévistes, la mise en place d’un « management bienveillant » figurait en deuxième position. Sur le piquet de grève, les vendeurs allaient plus loin et n’hésitaient pas à parler de situations de « harcèlement ».
« On est un groupe de cinquante salariés [mobilisés], et sur les cinquante, il y en a qui ne sont pas bien », explique Mouloud, précisant ne pas être personnellement concerné. En cause, selon un autre vendeur, un ensemble d’ « outils coercitifs » qui créent une atmosphère de travail pesante. Système de « reporting* », avertissements et « ROD » (Record of Discussion*)… Le verbiage franglais des ressources humaines reflète l’esprit de l’entreprise : « un cocktail, dit-il, entre le pire des Américains et le pire des Français ». Une « culture des résultats », qui s’appuie sur un répertoire de sanctions et la mise en concurrence des salariés. Un sentiment d’être « traqué », surenchérit une vendeuse, qui soupçonne la direction d’utiliser la vidéosurveillance pour contrôler ses salariés.
L’entreprise a également écouté les plaintes formulées contre la politique de management. Sur ce point, et selon le syndicat, l’accord de fin de grève l’engage à mettre en place « un management bienveillant ». Reste à voir si Nike honorera cette promesse, et comment.
* Reporting : rapport d’activité
** Record of discussion : rapport de discussion
*** House of innovation : maison de l’innovation