Le Musée de la Vie Romantique propose des visites guidées du quartier de la « Nouvelle Athènes », dans le 9e arrondissement de Paris, où toute une génération d’artistes romantiques se sont côtoyés.
À deux pas du métro Pigalle se trouve la rue Chaptal, dans le 9e arrondissement de Paris. Samedi, 16 heures, nous avons rendez-vous au numéro 16, au Musée de la Vie Romantique. Pour 10 euros, nous partons « sur les traces des grandes figures du romantisme qui ont fréquenté le quartier ».

Point de départ: le musée : « c’est ici, en bas de la butte Montmartre, qu’a débuté l’époque romantique » précise la guide. Au fond de la cour, se dévoile une magnifique bâtisse du début du XIXe siècle. Il s’agit de la maison d’Ary Scheffer, peintre hollandais venu s’installer à Paris dans le nouveau quartier en vogue : la « Nouvelle Athènes ». Pourquoi ce nom ? À la chute du Premier Empire, un mouvement venu d’Outre-Rhin ébranle le monde des arts : le romantisme. S’affranchissant du rationalisme classique, il prône un retour aux sentiments, à l’introspection et met en avant des thèmes comme la spiritualité ou l’amour. « C’est une quête d’émancipation » décrit la guide, « dans laquelle la Grèce antique est à la mode dans les beaux esprits ». La « Nouvelle Athènes » est née.
Un lieu de rencontre
Nous descendons vers la Rue Notre-Dame de Lorette, jusqu’au 58. Un large hôtel particulier à la façade jaunie nous fait face, un immeuble où vécut Eugène Delacroix.

Fils inavoué de Talleyrand, dont il hérita « du port de tête aristocratique », Eugène Delacroix côtoie chez lui la fine fleur du monde des arts : Renoir, Van Gogh, Chopin ou Lamartine. Adolphe Thiers aussi, « jeune homme très ambitieux » à l’époque, qui défend dans ses articles les tableaux du peintre. La « Nouvelle Athènes » agglomère les talents romantiques. L’architecture de la rue s’en fait l’expression : après Napoléon et avant Haussmann, le style romantique des façades devient « néo-gothique » et les personnes médiévaux du mythe d’Héloïse et Abélard sont représentés.

Au bout de la rue, nous arrivons sur la place Saint-Georges. Entre la bibliothèque Adolphe Thiers et l’Hôtel Païva, bijou du style néo-Renaissance, au milieu de tous, se tient la statue de Paul Gavarni. « Chroniqueur de moeurs » dans les journaux, il dessine pour la presse les Lorettes, ces parisiennes dont les hommes de goût paient la compagnie. Vivant derrière l’église (dont elles tirent leur surnom), elles sont de « jolies pécheresses » demi-mondaines, selon le poète Théophile Gautier.

Une architecture particulière
Remontant vers la rue d’Aumale, nous apercevons une bâtisse style « gothique-renaissance », avec des arches « en forme d’anse à panier » et des balcons « en dentelle de pierre, qui jouent avec ombres et lumières ». Un peu plus loin, le nom du compositeur Richard Wagner s’inscrit sur la plaque d’un immeuble où il vécut, fréquentant Hector Berlioz et Gioachino Rossini.

À gauche, le musée et la maison Gustave Moreau apparaissent, rue de la Tour des Dames. « C’est le coeur même de la Nouvelle Athènes » indique la guide. La Terre Promise aux romantiques : « Ici, on respire le bon air et les Grands Boulevards, haut-lieu de la flânerie, ne sont qu’à dix minutes. »
Enfin, à la faveur d’un dernier détour, notre guide nous infiltre dans un square interdit, le Square d’Orléans. Rue Taibout, il présente un style « néo-palladien, avec les grandes colonnes des villas romaines ». Alexandre Dumas popularise la cour. En 1833, l’écrivain y organise un bal costumé si immense qu’il doit réquisitionner les appartements voisins. Le « Tout-Paris » accoure : le poète Alfred de Musset, les peintres Clément Boulanger et Eugène Delacroix, le compositeur Frédéric Chopin ou encore la romancière George Sand. Ces deux derniers, grands amis, s’installeront en 1942 dans le Square, chacun d’un côté. George Sand écrit: « Dans un air de campagne, sans sortir de cette grande cour, nous courons le soir des uns chez les autres, comme en province. »

Près de trois heures sont passées, nous n’aurons pas le temps d’aller jusqu’à l’église Notre-Dame de Lorette. Alors notre guide, pour que nous ne manquions rien, sort un plan puis une photo de la façade, bâtie à partir de 1823. « Le succès du quartier exige la construction d’une église plus grande » raconte-t-elle. Nous sommes à la Restauration et le sentiment religieux se réveille. Du reste, il existe, au regard de la quantité des génies qu’elle a séduits, sûrement quelque chose de divin dans la « Nouvelle Athènes ».
Itinéraire de la promenade dans le Paris romantique.