Avec l’émergence de la vente en ligne, la filière des sex-shops connait actuellement une crise majeure. Certains cherchent toutefois à l’endiguer en renouvelant leur gamme et leur clientèle.
« Je vois passer des dizaines de couples par jour, c’est la période faste de l’année ». Benoit*, la trentaine, arbore un large sourire. Et pour cause : en cette semaine de Saint-Valentin, le chiffre d’affaires du Olalashop* atteint des sommets. « Ce sont souvent des couples qui veulent pimenter leur jeudi soir, voire des hommes seuls qui veulent faire plaisir à leur copine », explique le vendeur musclé, le regard vert pétillant rivé sur le boulevard de Clichy. Au coeur du quartier de Pigalle (XVIIIe), les sex-shops fleurissent à vue d’oeil, gérés par quelques propriétaires qui souhaitent garder leurs affaires secrètes. Le Olalashop, ouvert au début de l’année, cherche à se démarquer des structures traditionnelles par un caractère plus sobre et épuré.
A chaque profil de client son accessoire
Dans cette atmosphère chic et glamour, les clients sont principalement des jeunes. Mais pas que : « On voit aussi entrer des PDG, près de 60 ans… on dirait pas comme ça mais ils achètent du sévère ». En guise d’illustration, Benoit* pointe du doigt une mystérieuse valise noire en vitrine : « C’est un coffret BDSM… il y a de quoi se faire plaisir là-dedans. »
Nina*, vendeuse à quelques encablures de là, nous confirme cette tendance : « Quand on travaille dans un sex-shop, on se rend compte qu’il y a tous types de publics. » En tête des ventes, des anneaux de pénis vibrants (appelés aussi cockrings) qui avoisinent les 100 euros, et des plug anaux aux couleurs de l’arc-en-ciel plus proches de 150 euros. Parmi ceux-ci, une nouveauté attire l’attention de Benoit* : « C’est un vibromasseur chauffant, il est sorti ce matin… il devient bouillant en quelques minutes, c’est magique ! » s’extasie-t-il.

La gamme du magasin se renouvelle tous les six mois. « C’est comme les ordinateurs portables », s’amuse le jeune homme. Tous les goûts et les budgets sont satisfaits : « Certains ne sont prêts à dépenser que 50 euros. Je leur conseille plutôt un oeuf vibrant, idéal pour les débutants ». A l’inverse, le panier moyen d’un client régulier s’étend plutôt à 200-250 euros. Benoit* les oriente alors plutôt vers les vibromasseurs à télécommande. « Même si le conjoint n’est pas dans la pièce, il peut satisfaire sa compagne en appuyant sur un simple bouton… c’est magique ! » Quant aux habitués, qui ne représentent que 20 % des consommateurs, ils savent généralement ce qu’ils veulent dès qu’ils entrent dans la boutique.
Le déclin des touristes
Benoit* a signé la semaine dernière sa vente-record : 1.200 euros. C’était l’oeuvre d’un couple de Russes qui « achetait tout ce que leur montrait » comme le détaille le vendeur parisien. Les étrangers représentent un business lucratif pour les sex-shops, particulièrement à Pigalle, quartier touristique par excellence. Ils représentent 30 % de leur clientèle, notamment via des achats compulsifs pendant les fêtes comme la Saint-Valentin. Parmi ceux-ci, les visiteurs du Moyen-Orient représentent une manne financière conséquente, car les accessoires érotiques sont interdits dans leur pays. « L’autre jour, un couple de Koweïtiens est rentré dans le magasin, ils avaient les yeux écarquillés », s’amuse le gérant.
Toutefois, les acheteurs étrangers sont de moins en moins nombreux. En cause, les évènements tragiques qui ont récemment touché le pays. « Nous pâtissons comme les autres commerces des conséquences des attentats de janvier et novembre 2015, ainsi que de la crise actuelle Gilets Jaunes, qui a définitivement fait fuir les derniers touristes. » déplore Nassim*, accoudé à la caisse. « A l’époque, on était débordés les deux semaines entourant la Saint Valentin. Aujourd’hui, le magasin est quasi-vide », s’insurge le jeune homme, pointant les quelques clients dans le magasin aux trois étages.
Des acheteurs toujours aussi discrets
Les boutiques sont confrontées à un autre problème qui touche leur clientèle française, majoritaire : l’essor des sites de vente en ligne. Sur Internet sont proposés les mêmes articles à des prix analogues, avec un paramètre loin d’être anodin : l’intimité. La discrétion reste le maître-mot des clients, qui se sentent moins honteux d’acheter en ligne lorsqu’ils connaissent les produits.
Le tabou des accessoires érotiques semble loin d’être brisé, comme le remarque Benoit : « La première phrase que nous disent les clients, c’est ’’c’est juste pour regarder’’. Ils ont du mal à avouer qu’ils sont consommateurs, même au vendeur ! » C’est pourquoi le jeune homme essaye de les mettre à l’aise pas à pas, jusqu’à ce qu’ils lui racontent leur vie sexuelle sans aucune gêne. « Une fois que j’ai acquis leur confiance, ils reviennent toujours me voir, car ils savent que je les conseillerais au mieux selon leurs besoins », se félicite-t-il.
Benoit n’organise pas de promotions particulières pendant l’année, mais comme le chiffre d’affaires du mois de février est plus élevé, il se permet de faire des réductions aux quelques clients qu’il affectionne. Par exemple, sur ces lubrifiants labellisés bio, très en vogue actuellement. Benoit ajoute dans un dernier sourire espiègle : « Ca, c’est pour la clientèle bobo-vegan ! »
* Les noms ont été modifiés