L’assocation MAG à Avron (XIe arrondissement) accueille les jeunes LGBT et organise des rencontres pour briser leur isolement. Parmi ses membres, Andréa Gourinat, arrivée à Paris en septembre. Jusqu’à ses 19 ans, elle se faisait appeler Guillaume. Mais après son bac, elle a décidé de s’assumer en tant que femme transgenre et a entamé sa transformation.
Il y a deux ans, Andréa Gourinat était encore Guillaume, un jeune homme populaire à l’école et accro au culturisme. « J’ai pris conscience vers mes 10 ans que je me sentais plus femme que homme. » Toute son adolescence, elle a caché son mal-être et a vécu dans un corps qui ne lui correspondait pas. Sa souffrance, aucun ne l’a décelée. « Je suis tombée dans l’alcoolisme, j’ai été en cure de désintox. J’étais une délinquante. J’ai volé, racketté, vendu des produits illicites. J’ai fait une tentative de meurtre. J’ai voulu en finir. »
Elle a attendu de fêter ses 19 ans pour assumer publiquement sa volonté de changer de sexe. Après l’obtention de son bac littéraire, Andréa Gourinat abandonne le culturisme, commence à prendre des hormones. « En m’assumant, j’ai arrêté de jouer un rôle. Tout le monde était choqué, personne ne s’y attendait. » Elle choisit de prendre une année sabbatique pour se consacrer à sa transformation. Opération du nez d’abord en octobre 2017, puis le reste du visage en février 2018, « sauf la mâchoire », précise-t-elle. En tout, l’étudiante a déboursé environ 20 000 euros. « En arrêtant le sport, j’ai aussi perdu 15 kg. Maintenant, je suis toute fine et je n’arrive plus à reprendre de poids. » De sa vie d’avant, seuls ses yeux bleu azur sont reconnaissables.

Aujourd’hui, avec son casque blanc vissé sur ses oreilles parées d’anneaux, perdue dans un pull gris clair et sac sur le dos, Andréa Gourinat passe presque inaperçue dans la rue avec son look d’ado. « On me prend pour une lesbienne, ou pour une femme qui veut ressembler à un mec », lance-t-elle. Entretenir le mystère en cultivant son androgynéité l’amuse : « Je peux me faire passer pour un jeune garçon ou pour une fille ! » Pour elle, pas question de porter des jupes et des talons. Cet après-midi, c’est jean bleu et baskets. « Une transformation dure en moyenne cinq ans. J’en suis à deux. Je préfère rester naturelle, ne pas être tape-à-l’œil. Je continue à m’habiller comme un garçon. » Malgré ses précautions, elle affronte la réprobation de ses proches. « Ma mère et mon petit frère ne me soutiennent pas, mais ne me jugent pas. Mes amis, je les ai quasiment tous perdus. Au moins, ça fait un tri », relativise-t-elle.
Prendre un nouveau départ
Andréa Gourinat est arrivée dans la capitale en septembre dernier pour étudier la philosophie au centre universitaire de Clignancourt. Une atmosphère bien différente de ses années collège et lycée dans un établissement catholique traditionnel. « Les jeunes croyants n’acceptent pas les différences sexuelles ou raciales. Tous mes amis m’ont tourné le dos quand j’ai fait mon coming out. A Paris, les gens comprennent plus. » Pourtant, la LGBT-phobie subie par les personnes transgenres existe même dans la capitale, en témoigne l’agression de Julia, une femme transgenre, le 31 mars place de la République en marge d’une manifestation. Une attitude déplorée par Andréa Gourinat: « Même si je comprends qu’on puisse nous trouver bizarres, j’ai trouvé cela immature et irrespectueux. »
Son installation à Paris sonne comme une renaissance, loin de ceux qui l’ont rejetée. Elle participe à des événements d’associations LGBT comme le MAG, à Avron, ou la Mutinerie, à Châtelet. Après avoir incarné Guillaume, Andréa met en scène sa transidentité. Elle apparaît dans des campagnes de prévention du ministère de la santé ou d’organisations défendant la cause transgenre. « Je rêve de devenir actrice, mais pour le moment c’est juste du plaisir. Et ça me permet d’arrondir les fins de mois ! » A l’université, seules quelques personnes connaissent son histoire. Elle est désormais Andréa dans sa tête, dans son corps, et à l’état civil depuis début avril.
Marie Terrier
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